Présentation
Le sabar est une percussion en bois, dont la membrane en peau de chèvre
est tendue par des chevilles en bois et des cordes qui permettent de l'accorder.
Il se joue avec une main et une fine baguette. Les baguettes sont en bois
de sump ou de dàqàr (tamarin).
Si l'on entend l'écho du sabar partout au Sénégal,
sur les ondes radios comme au fin fond de la brousse, le sabar est avant tout
l'instrument des griots wolof, lébou et sérères.
"Sabar" est un nom générique qui désigne
l'instrument, mais également la danse et la fête qui sont liés
à cet instrument.
Il existe plusieurs types de sabar qui contribuent à former l'ensemble
des gammes de son, de la basse à l'aigu.
Le
tungune : le plus petit, il accompagne dans la gamme des aigus.
Le
mbëng-mbëng : c'est le sabar moyen, il sert pour
l'accompagnement.
Le nder
: le plus allongé, le plus grand. C'est le sabar du soliste.
le gorong-mbabas : gros sabar au son sec, son fût est
fermé à la base. Il est utilisé par le soliste.

Le thiol : gros sabar dont le fût est fermé, au
son sourd, c'est la base du rythme, il "tulli" c'est-à-dire
qu'il soutient ou dialogue avec le premier soliste.

Le xiin : Le xiin est une sorte de sabar, utilisé par
les Baye Fall. Les Baye Fall sont les disciples musulmans de Cheikh Ibrahima
Fall, ils représentent une confrérie musulmane apparentée
aux Mourides. A l'image de leur chef spirituel, ils portent des dread locks
et s'habillent avec des boubous colorés en patchworks, en signe de
pauvreté et d'abnégation.
Contrairement à la doctrine orthodoxe de l'Islam, les Baye Fall joue
de la musique, exclusivement du xiin. Le fût est droit et largement
ouvert. Il est monté avec une peau de chèvre selon la même
technique que les autres sabar.
Le sabar fait partie intégrante de la musique
sénégalaise traditionnelle et moderne. Doudou Ndiaye Rose a
grandement contribué à faire connaître les rythmes traditionnels
du sabar à travers son album "Jaboot". Mais on retrouve aussi
le sabar dans les groupes sénégalais les plus en vogue. C'est
Youssou Ndour et le super étoile de Dakar qui a contribué à
diffuser dans le monde entier le mbalax ce rythme de base de la musique
sénégalaise. Mbaye Diéye Faye, le batteur de Youssou
Ndour, Baaba Maal, Thione Seck, Ismael Lo, utilisent le mbalax comme support
rythmique.
Parmis les grands griots dakarois (bajj géwel
Ndakaaru), on peut citer : Abdou Karim Gueye, Libas Gueye (décédé),
Vieux Sing Faye, Ma Cheikh Fatma Ndiaye, Lama Bouna Mbas, Malick Mbaye, Jogooy
Mbaye de Yoff, Idrissa Ndiaye.
A travers les rythmes et les solos, le batteur de sabar exprime des
sentiments, des valeurs, des traditions qui sont ressenties par les auditeurs
qui partagent la même culture. Les bàkk sont de véritables
phrases musicales qui reprennent les tonalités sonores d'une phrase
prononcée en wolof. Le sabar parle, son langage est connu des griots
mais aussi en partie de l'ensemble des sénégalais. Les griots
peuvent s'appeler par leur nom en jouant la devise attachée à
tel ou tel patronyme, ils peuvent aussi plaisanter en reprenant des phrases
chantées. Il s'instaure alors un véritable dialogue musical
entre griots.
Le répertoire traditionnel du sabar évolue, la musique
traditionnelle a ses modes, ses nouveautés. Les rythmes et danses de
Yaaba, Yannap, Gumbe, Ndaw Rabbin (rythme d'intronisation
des hauts dignitaires) disparaissent peu à peu et laissent place à
de nouvelles danses chaque année : Thiéboudiène,
Mulaceggin, Tyson (du nom d'un lutteur célèbre)...
Fêtes et cérémonies
Sabar et Tanneber
Le sabar est une fête qui a lieu sur la place du
village ou dans une rue. Il est organisé à l'occasion d'un mariage,
d'un baptème ou tout simplement par un groupe de jeunes femmes qui
appartiennent à une même classe d'âge et souhaitent s'offrir
un moment de plaisir.
Le tanneber est un sabar organisé en nocturne.
Les
femmes assises forment un grand cercle qui délimite l'aire de danse,
tour à tour elles s'élancent vers le centre, devant la dizaine
de batteurs de sabar qui jouent un rythme trépidant.
Le déroulement des rythmes et des danses est codifié. L'ordre
d'éxécution des rythmes indique le début et la fin de
la fête. Les rythmes sont variés : Saf, Ardin, Taggumbar,
Njor, Farwujar, Thiébudiène, Baram Mbaye, Mbabas, Ndëj
ou Kaolakh, Naari Gorong, Taatu Laobe...
Les femmes connaissent les pas de danse qui s'accordent avec les rythmes mais
le soliste principal se doit de suivre et de marquer les pas de la danseuse.
La danse et la musique de sabar sont le résultat d'une relation intime,
d'une observation et d'une anticipation réciproque, qui unit pour quelques
secondes le musicien à la danseuse.
Circoncision (Kassak)
Traditionnellement,
le jeune en âge d'être circoncis (8-12 ans), entrait dans "la
case de l'homme". Il vivait ce rite initiatique accompagné de
ses compagnons de la même classe d'âge. Ensemble, ils vivaient
la retraite, guidés par un surveillant (le selbé). Cette
période d'isolement, leur permettait d'apprendre la vie de l'homme,
par des épreuves et des proverbes. C'était aussi un moment de
permissivité, ils pouvaient faire les 400 coups sans être corrigés.
Souillés par le sang, ils sortaient avec une baguette de bois en main,
de façon à éviter tout contact physique avec les habitants.
Aujourd'hui, la circoncision est de plus en plus pratiquée à
l'hôpital, mais si vous voyagez au Sénégal, vous croiserez
peut-être quelques jeunes circoncis (njulli) en sortie.
Le Kassak est le nom de la cérémonie qui marque la fin
de cette période de réclusion. A cette occasion, le jeune circoncis
reçoit de nouveaux vêtements. La fête se déroule
autour d'un grand feu, c'est l'occasion de véritables joutes oratoires
entre les chanteurs de Kassak qui, a tour de rôle, entonnent des chants
rappelant les vertus de l'homme et de la femme, les aspects de la sensualité
et de la sexualité. Les jeunes circoncis sont appelés à
venir danser aux yeux de tous, montrant qu'ils sont guérris, qu'ils
ont changé de statut.
Lutte sénégalaise (Lamb et Mbapaat)
La lutte sénégalaise (lamb) est
organisée de façon officielle dans les arènes du stade
chaque dimanche. Les lutteurs représentent leur groupe ethnique, leur
quartier, l'espoir de tous leurs supporters. Ils sont préparés
de façon magique et accompagnés de leurs griots qui chantent
leur force et leur courage au son du sabar. Dans son livre "l'appel des
Arènes", l'écrivain sénégalaise Aminata Sow
Fall a immortalisé l'appel irrésistible du sabar encourageant
les valeureux lutteurs.
Organisée le soir, en tournoi de lutte inter-villageois, on parle de
Mbapaat. Les séances de lutte nocturnes ont lieu à la fin des
récoltes.
Le rythme des lutteurs est le tuus.
Faux-Lion (Simbu)
Le jeu du Faux-lion est une animation de rue. L'un des artistes de
la troupe est déguisé en lion terrible et méchant. Il
est entouré de "ses femmes", ou plutôt de ses compagnons
déguisés en femme : les goor-jigeen (littéralement
les hommes-femmes). Les spectateurs rassemblés pour l'occasion doivent
acheter leurs tickets pour assister aux danses du lion et de ses femmes. Le
lion, cherche dans l'assistance les spectateurs qui n'ont pas pris soin d'acheter
leur ticket. Les malheureux saisis par le lion vont être malmenés
en public, aspergés d'eau ou moqués.
A l'origine le faux-lion, est un rite de possession. Il remonte à
l'époque où le Sénégal était couvert d'épaisses
forêts peuplées d'animaux sauvages comme les lions, les hyènes,
les singes, les chacals, les gazelles. On raconte que le chasseur, qui avait
été attaqué par un lion et avait survécu, devenait
une personne étrange. Choqué par sa rencontre, il perdait la
tête, il rugissait comme un lion, ne mangeait que de la viande crue,
des poils lui poussaient sur le corps. Il était le lion. Pour le soigner,
les guérisseurs procédaient alors à des rituels de "possession",
tels qu'on les voient encore aujourd'hui dans les cas de possession par un
esprit ancestral.
Rituels thérapeutiques (ndëpp)
Les lébou de la presqu'île du Cap-Vert (région
de Dakar) continuent de pratiquer des rites pré-islamiques qui permettent
de guérir une personne "attrapée" par les esprits
qui ont fait alliance avec l'ancêtre du lignage. Le ndëpp, qualifié
de rituel de possession par les observateurs occidentaux est un moyen de renouer
l'alliance ancestrale avec les esprits tutélaires.
Le rituels de ndëpp dure 4 ou 8 jours. Il se décompose en plusieurs
séquences. Les deux premiers jours sont avant tout consacrés
à l'établissement des autels domestiques et au traitement de
la malade : construction des autels pour les esprits, sacrifice d'animaux,
massage de la malade à l'aide de lait caillé, de mil et de sang
des animaux sacrifiés.
Les jours suivant se suivent et se ressemblent. Le matin, l'après-midi
et le soir, au son étourdissant des sabar, les femmes chantent les
ancêtres et leurs esprits alliés, elles dansent et tombent en
transe.
L'entrée
en transe n'est pas directement liée au rythme éperdu des sabar
mais plutôt à l'évocation de l'esprit et de l'ancêtre
par le chant. Cependant, le soliste accompagne la "possédée"
en marquant ses pas de danse. Les gestes de la danseuse, qui deviennent de
plus en plus désordonnés et rapides, entraînent le rythme
des sabars. Il revient au soliste "d'achever" la femme en crise,
c'est-à-dire de la pousser par l'accélération du rythme
à la perte de conscience qui marque l'arrêt du rythme.
Montage
Le Sabar est constitué de plusieurs éléments
: un fût en bois en forme de calice allongé, une peau de chèvre,
des chevilles en bois appelées peg, des mêches en coton
et des cordes synthétiques plus solides qui servent à tendre
la peau pour l'accorder.
Le montage du sabar est complexe, il recquiert un savoir-faire technique.
Le fût en bois de Poirier du Cayor (dimb) est sculté par
les Laobés (caste spécialisée dans le travail du bois).
A
l'aide d'une barre de fer chauffée à blanc, le fût est
percé de sept à huit trous dans sa partie supérieure.
C'est dans ces trous que l'on enfonce les pegs qui permettent de tendre la
peau.
La peau rasée est alors posée sur le sabar et on crée
trois petites incisions avec une lame de rasoir au niveau de l'emplacement
des pegs. Dans ces trois petites fentes entrelacées, on rentre le peg
que l'on enfonce alors à son maximum dans le trou du fût.
La
peau est déjà tendue, on l'entoure d'une mêche de 12 m
de part et d'autre des pegs. La peau est fixée au fût.
Pour l'accordage du sabar, on pratique des petites incisions de la
peau tout autour du fût au-dessus des pegs. On passe alors une mêche
en coton plus épaisse entre ces fentes. Cette mêche va servir
de support pour les cordes plus solides destinées à la tension
de la peau. Passées dans la mêche qui entoure le fût, entrelacées
dans la peau, les cordes sont nouées autour de chaque peg. Ainsi, en
resserrant le noeud de ces cordes autour du peg et en enfoncant plus ou moins
les peg (à l'aide d'une pierre), on tend la peau selon le son que l'on
cherche à obtenir.
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